Les artistes sont des chercheurs qui décèlent avant nous ce qu’il y a dans les tréfonds de notre époque. Chacun à sa manière nous fait entrevoir le monde d’aujourd’hui, de demain, mais aussi celui d’hier par sa présence absolue au Vivant.

Pour cette nouvelle édition ART PARIS 2024, la galerie a réalisé une sélection d’artistes et d’oeuvres dans le cadre des thématiques choisies par les 2 commissaires invités : celle d’Eric de Chassey, Directeur de l’Institut National d’Histoire de l’Art et sa thématique des Fragiles utopies en transformant notre rapport au monde et en ouvrant les perspectives d’un monde sensible et fragile ouvert au doute des certitudes. L’œuvre de Vieira da Silva, retenue par Eric de Chassey, pose notre condition humaine au sein d’une gigantesque maille spatio-temporelle dans laquelle nous évoluons en un ballet ininterrompu d’événements et de rencontres. Nul besoin d’appartenir à un monde pictural abstrait ou figuratif, Vieira da Silva évolue libre dans un monde d’architectures qui ne sont pas composées de murs mais de sens, de sons, de couleurs et d’une totale connectivité.

Ainsi, son œuvre est résolument contemporaine puisqu’elle est tissée de fines mosaïques multi-sensorielles toutes mises en réseaux où le tableau est un spectacle du Vivant, dans un déploiement de rythmes tantôt lents, tantôt accélérés, inspirés d’un continuum de vécu se déployant sans limite en pleine musicalité. Nous sommes partout, en cette oeuvre, face non pas à une réalité mais à de multiples réalités, comme si nous devions en soulever les voiles pour expérimenter l’immensité d’une matière sans limite, se déployant dans le vide spatial méditatif.

Cette œuvre entre en écho avec les autres artistes tisseuses d’espaces et de sensations que nous présentons telles qu’Evi Keller et ses Matière-Lumière en transformation permanente, tantôt chairs tantôt métaux, minéraux, végétaux, cristaux, constellations ; Antonella Zazzera et ses tissages harmoniques et lumineux de fils de cuivre ; Louise Nevelson et ses bois noirs enchevêtrés ; Ana Maria Vasco Costa et ses céramiques rythmées et composées répondant aux azulejos de Vieira.

Nous voici à présent avec Nicolas Trembley et sa thématique Art and Craft de l’artiste-artisan, à laquelle beaucoup de ces femmes artistes se rattachent, tout comme ces artistes semeurs de sens dont l’un (Guillaume Barth) lie son carré magique de soie transformé en Talisman d’amour à l’infime subtilité de la fleur de safran, tandis qu’un autre (Miguel Branco) multiplie les images-références intemporelles et ouvre des paysages à même le bois, dans une dramaturgie artistique toujours plus surprenante ; Yang Jiechang jouant avec toute la volupté de ses couches d’encre imprégnées de bois de cyprès et d’huiles essentielles comme pour mieux nous faire sentir la volupté de sa texture ; ou encore les tressages savants de mots et d’images dans un enchevêtrement perpétuel, sans début ni fin avec toute la vision propre à Antoine Grumbach gravée en ce marbre blanc lié à ces azulejos peints à la main ; et les rares images-collages de Dado qui hantent son histoire et reflètent l’humanité entière, tout autant que le fil ininterrompu des voyages spatiaux-temporels de Rui Moreira qui marient l’étoile filante à l’étoile de mer et nous guident à travers les eaux. Tout ceci sous la bénédiction de la sculpture à caractère sacré du Faîte de case du Vanuatu ou encore de la Cape Yi qui nous enveloppe de sa protection chaleureuse en évoquant les sculptures de feutre de Joseph Beuys dans le combat de la survie de l’humanité ou encore les tissages de Magdalena Abakanowicz. L’art est bien présent dans notre vie quotidienne et rend le Vivant sous de multiples formes nées de la main à même le film sensible, le tissage du cuivre, le trait, la teinture et l’impression du safran, le moulage et façonnage de l’argile ou le ciselage du marbre, la composition de l’encre, du poil, de racines végétales, du minéral. Un vivant touché, goûté, savouré, un Vivant Universel avec sa part d’Utopie.

Véronique Jaeger
mars 2024

 

Maria Helena Vieira Da Silva (1908-1992), séléction FRAGILES UTOPIES. UN REGARD SUR LA SCÈNE FRANÇAISE de Éric de Chassey

Le monde tel que le peint Maria Helena Vieira da Silva dans les années 1940, sans relever à strictement parler ni d’une figuration ni d’une abstraction, est un monde marqué par l’incertitude mais aussi par l’unité paradoxale qui naît du fractionnement infini de l’espace. Forcée de s’exiler au Brésil par la Seconde Guerre mondiale, l’artiste rentre en 1947 à Paris, pour laquelle elle avait quitté son Portugal natal deux décennies plus tôt. Elle poursuit, d’une ville à l’autre, une esthétique similaire, qui la conduit à une abstraction plus ou moins complète, faisant d’elle l’une des protagonistes de l’expressionnisme abs- trait international, et de sa version parisienne, l’abstraction lyrique.

Les trois compositions ici rassemblées traitent toutes d’espaces intérieurs, qui sont l’un de ses thèmes de prédilection, mais la mise en forme de ces espaces par une grille souple composée d’une myriade d’unités de couleurs en dégradé, avec quelques effets de contrastes plus vifs, les ouvre à des dimensions infinies, qui absorbent les figures ou les objets qui s’y meuvent ou y sont posés, comme des traces ou des restes. Elle nous invite à percevoir à notre tour le monde comme un espace de potentialités illimitées.

– Éric de Chassey

Océanie, séléction ART & CRAFT de Nicolas Trembley

Océanie, sculpture anonyme, 1ère moitié du XXe siècle

En 1961, Jean-François Jaeger, alors directeur de la galerie fondée par sa grand-tante Jeanne Bucher, expose pour la première fois en galerie Vingt sculptures monumentales d’art primitif de la Nouvelle-Guinée et des Nouvelles-Hébrides. De nombreux artistes du début du XXe siècle, tels que Giacometti, Picasso ou Breton, avaient rapidement compris les qualités artistiques de ces pièces, dont la fonction est à la fois domestique et religieuse.

Plus de soixante ans plus tard, nous retrouvons une sculpture qui faisait partie de l’exposition originale. Le contexte a changé, de même que le vocabulaire ; on parle aujourd’hui d’art premier et de l’archipel de Vanuatu. Le champ de recherche qui englobe l’artisanat et l’ethnographie s’est toujours intéressé, par extension, aux productions des peuples autochtones. Les techniques vernaculaires souvent utilisées à des fins domestiques n’ont cessé d’influencer les artistes contemporains, comme cette Faîte de case constituée en racines de fougères arborescentes. Il s’agit de paratonnerres magiques qui s’installent sur le toit des maisons et qui assurent, par la présence des invisibles, la protection de l’habitat.

– Nicolas Trembley

ART PARIS ART FAIR

Grand Palais Ephémère
Plateau Joffre
75007 Paris

artparis.com

Horaires d'ouverture au public

Jeudi 4 avril 2024 : 12:00 – 20:00
Vendredi 5 avril 2024 : 12:00 – 21:00
Samedi 6 avril 2024 : 12:00 – 20:00
Dimanche 7 avril 2024 : 12:00 – 19:00