Pourquoi une échelle dans l’EuroAirport Basel-Mulhouse-Freiburg ? Depuis longtemps dans mon travail, cet objet familier revient sous ma main, sur le papier. Dans de nombreux dessins, en diverses situations, couchée ou dressée, elle apparaît… Puis un jour, comme une évidence, elle devient une sculpture.
Invité par la ville de Sienne en 2008 à exposer dans le complexe muséal de Santa Maria della Scala, l’idée m’était venue de faire surgir, dans l’une des cours de ce sublime édifice médiéval, une échelle au-dessus d’un puit et d’un miroir. Chaque barreau de cette échelle capterait les rayons du soleil à l’aide de feuilles d’or.
Peu de temps après, la Fondation Fernet-Branca m’invitait à venir exposer à Saint Louis. Je trouvais alors intéressant d’élargir cette exposition Archéologies intérieures et de parfaire ce que j’avais ébauché en Italie. La cour de ce lieu s’y prêtait. Plus vaste que le patio italien, elle me permettait d’agrandir le miroir, d’élever l’échelle, et ainsi d’affiner le propos.
C’est au cours de l’installation de cette oeuvre sous un très beau ciel de juin, qu’affairé à caler le miroir, dans le bleu du ciel que reflétait celui-ci, je voyais deux ou trois nuages poussés par le vent… puis très haut dans le ciel, silencieusement, avait surgi un avion. Une fine trainée blanche dans son sillage traçait dans le miroir une parfaite diagonale… Ce jour-là, sans doute, l’aéroport faisait signe. Et, de toute évidence, nous voici au pied de cette échelle, aujourd’hui.
L’image inversée, vertigineuse, que nous tend le miroir, semble creuser la terre et rejoindre le ciel, plongeant vers l’infini… dans ce puit de lumière et de verre, je n’ai pas résisté à tracer quelques mots afin que, de temps en temps et selon le vent, ils flottent sur les nuages.
« Eh qu’aimes-tu donc extraordinaire étranger ? j’aime les nuages… les nuages qui passent … là-bas… là-bas… les merveilleux nuages ! » Contemplant leur course, me revenait sans cesse en mémoire la fin de ce poème en prose de Baudelaire.
Gravés à l’envers sur les parois de verre qui protègent l’échelle, les mots de ce texte se lisent et se révèlent dans le miroir. Ils se mêlent aux nuages ou, selon, s’évaporent dans le bleu du ciel.

« Les dessous du ciel ou l’attrape-nuages »
Quand il fallut trouver un titre, celui-ci vint tout naturellement. Il nomme désormais cet énigmatique objet à l’entrée de l’aéroport pour accueillir ou saluer les voyageurs, passantes et passants, venus des quatre coins de ce miroir et de bien plus loin encore… Pour leur faire signe et leur souhaiter bon voyage.

Jean-Paul Philippe